Apple et la révolution tactile : une opportunité pour la French Touch ?

Steve Jobs nous a habitué à faire de son KeyNote un événement mondial. Cette fois-ci, il adopte une posture encore plus ambitieuse, en annonçant « quelque chose de jamais vu » que beaucoup associent à la sortie tant attendue de la tablette tactile Apple.

Tribune de Xavier Paulik, CEO de Tiki’labs, jeune start-up française spécialisée dans les interfaces tactiles, décrypte l’événement, l’enjeu de la sortie annoncée de l’iSlate, et comment ce tournant peut être à l’avantage de startups françaises particulièrement en pointe dans le domaine…

 

Steve Jobs nous a habitué à faire de son «KeyNote » un événement mondial. Cette fois-ci, il adopte une posture encore plus ambitieuse, en annonçant « quelque chose de jamais vu » que beaucoup associent à la sortie tant attendue de la tablette tactile «Apple ».

L’an II du tactile

Enfin libéré des guerres entre opérateurs et des ruptures de stock de l’été, le succès sans précédent de l’iPhone, qui représentait pas moins des trois quarts des ventes françaises de téléphones chez Orange à Noël (200 000 iPhones sur le mois de décembre), a préparé le terrain pour une deuxième vague qui nous installera définitivement, d’ici quelques semaines, dans l’ère du numérique tactile. Car, au-delà  des annonces d’Apple, qui va enfin dévoiler l’objet des débats, le fameux iSlate, c’est une nouvelle guerre qui se trame.

Les chiffres, vertigineux, donnent la mesure des enjeux : plus d’un milliard de dollars d’investissement par Apple dans le data-center destiné à héberger le contenu spécial "slate". Déjà de nombreux éditeurs américains, tel le New-York Times, ont annoncé avoir préparé des versions spéciales « tablet » de leurs contenus.

Et les rumeurs vont bon train : connexion 3G ou pas ? Compatible avec les 130 000 applications de l’iPhone ? Hardware spécifique révolutionnaire marquant un retour à la stratégie initiale des Mac ? Mais cette fois-ci l’objet de tous les fantasmes bénéficiera de toute la puissance née de l’iPhone et des 56 millions d’utilisateurs d’Iphone et d’iPod-Touch déjà convertis à l’ergonomie et la sensualité de la marque à la pomme…

Quel est le pari d’Apple et quels sont les véritables enjeux, derrière le buzz marketing ? Pourquoi le monde entier est-il pendu aux lèvres de Steve jobs?

Simple buzz ou vraie révolution ?

Après tout, l’iSlate, ce n’est jamais qu’un ordinateur à peine différent de l’iPhone, d’un MAC ou d’un PC.

Ce qui est vraiment révolutionnaire, ce que démocratise désormais Apple, c’est une nouvelle manière d’interagir avec le monde numérique :

– Une nouvelle génération d’équipements, qui se manipule directement et intuitivement avec ses doigts (la souris a définitivement disparu), où le contenant est réduit à sa plus simple expression – un écran – et où la valeur est dans le contenu.

– Une nouvelle manière de consommer, immédiate, impulsive, « over the air », héritée directement des succès d’iTunes puis de l’AppStore, qui gomme les frontières, fait tomber les verrous et décoller  les usages …

Si Steve Jobs réussit son pari, il entraîne toute l’industrie derrière lui et c’est l’écosystème tout entier qui bascule dans le tactile, en créant une brèche dans laquelle de nouveaux acteurs peuvent aussi s’engouffrer.

Le marché des écrans tactiles affiche une croissance vigoureuse et génèrera au total plus de 4,4 milliards de dollars en 2012. Partout où il y a de l’électronique grand public et professionnelle, les écrans tactiles vont se multiplier, avec deux technologies qui s’affrontent : le « mono-point » et le « multi-point ». Ce dernier, défendu par Apple, devrait rapidement prendre le dessus sur le mono-point aujourd’hui encore majoritaire, notamment sur les téléphones portables.

Le « multitouch » ouvre de nouveaux usages, dont les fameuses « tables tactiles » de Microsoft, avec un prix encore prohibitif pour le grand public mais dont les coûts de fabrication chuteront avec la démocratisation des usages. S’ouvrira alors une nouvelle voie, avec une nouvelle ergonomie, et la nécessité de refondre les logiciels en profondeur pour tirer parti de ces nouvelles capacités d’interaction.

L’avènement du « Touch », une aubaine pour les startups françaises ?

Et c’est là que nos startups françaises, particulièrement en pointe dans le domaine du tactile et de ces nouveaux usages, peuvent tirer parti de cette nouvelle donne et tenter d’imposer ce que l’on appelle déjà la « french touch » (voir le magazine « l’informaticien de novembre 2008 qui titrait : « la french touch » dont Tiki’labs, Stantum et d’autres faisaient partie.)

Plusieurs de ces startups sont déjà reconnues internationalement et peuvent tirer leur épingle du jeu. Que ce soit dans le domaine du hardware – avec les écrans tactiles multipoints, les technologies d’ondes acoustiques ou de lumière infrarouge pour la détection des mouvements des doigts – ou dans le domaine du logiciel – avec une pléiade d’acteurs déjà positionnés sur de nouvelles interfaces innovantes, les Français font leurs armes et engrangent du savoir faire stratégique sur les Tabbee et autres Hubster de nos opérateurs lancés en 2009, ou dans des domaines professionnels comme la santé ou les transports publics. En 2008 des marchés comme celui de l’armée ou de l’automobile représentaient déjà 3,2 milliards de dollars de chiffre d’affaire.

Parmi les premiers enseignements de ces expériences, on constate que le tactile permet des usages plus fluides, notamment dans la consultation d’information, mais pose aussi des problèmes encore non complètement résolus notamment pour la recherche et l’interaction avec du texte. La mobilité créée également des contextes d’usages très particuliers : « le temps de la maison » n’est pas « le temps du transport ».

Enfin l’usage d’un Tablet-PC dans la cuisine ou dans le salon pour toute la famille n’est pas strictement le même qu’un téléphone, où les informations sont plus personnelles ou confidentielles…

De nouvelles  problématiques qui sont autant d’opportunités pour nos entreprises françaises  pour contrecarrer l’hégémonie américaine dans ce domaine et reprendre une longueur d’avance, comme au bon vieux temps du Minitel ?


Merci à
Xavier Paulik pour cette tribune.

 

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